Écrit par les Dr Blandine Marion et Florence Aïm, chirurgiens, le 1er juillet 2018
De quoi s’agit-il ?
L’épaule est une articulation complexe. Elle se compose de l’humérus qui s’articule avec la glène de l’omoplate. Il s’agit d’une articulation peu contrainte avec une grande mobilité. Sa stabilité dépend de l’intégrité : • des surfaces osseuses (glène et humérus) • des éléments capsulo-ligamentaires (capsule et labrum)
Une épaule est instable lorsque la tête de l’humérus perd le contact avec la glène, partie de l’omoplate avec laquelle elle s’articule. Cette perte de contact entre les surfaces articulaires correspond à la luxation ou « déboitement ». La tête humérale se déplace plus souvent en avant de la glène (instabilité antérieure) qu’en arrière (instabilité postérieure).
Le premier épisode est souvent traumatique et constitue un tournant pour l’épaule. Le risque de récidive après un premier épisode est de l’ordre de 50%, d’autant plus que le patient est jeune. Plus le nombre de récidive augmente, plus les structures stabilisant l’épaule seront abimées, et plus le risque de récidive augmentera jusqu’à survenir pour des mouvements anodins.
Les facteurs favorisant la récidive sont l’âge de survenue de la première luxation (jusqu’à 94% de récidive avant 20 ans), l’hyperlaxité, l’existence d’une fracture de la glène ou une encoche de le tête humérale.
Le bilan lésionnel comporte un bilan radiographique standard et une IRM ou un arthro-scanner selon l’appréciation du chirurgien. Il est réalisé comme bilan préopératoire afin d’apprécier au mieux l’importance des lésions osseuses ou capsuloligamentaires.
Un épisode de luxation après 40 ans nécessite de vérifier l’intégrité des tendons de l’épaule qui peuvent être rompus au décours du traumatisme.
Faut-il toujours opérer ?
En l’absence de lésions osseuses, la réduction de la luxation est faîte aux urgences, suivit d’un contrôle radiographique. S’il s’agit du premier épisode de luxation, une immobilisation coude au corps est mise en place pendant 1 mois puis une rééducation est débutée afin de redonner les mobilités à l’épaule.
La rééducation seule ne diminue pas le taux de récidive. Le traitement chirurgical permet de diminuer de façon importante le risque de récidive. La décision est prise au cas par cas en fonction des lésions anatomiques, de la fréquence de l’instabilité, des activités sportives et professionnelles.
Comment se déroule l’intervention ?
Il existe aujourd’hui deux méthodes pour stabiliser une épaule qui se luxe en avant :
- La butée osseuse, que nous réalisons de manière conventionnelle « à ciel ouvert » avec une cicatrice de 5cm dans le sillon delto pectoral. Elle consiste à prélever un fragment d’os de l’omoplate appelé coracoïde sur lequel s’insère le coraco biceps et à venir le fixer par deux vis à la partie antérieure de la glène, réalisant ainsi un butoir osseux empêchant la tête de l’humérus de se luxer.
- L’intervention de Bankart, qui correspond à une réinsertion du bourrelet antérieur de la glène et que nous réalisons sous arthroscopie (vidéo chirurgie)
Ces deux méthodes imposent une anesthésie loco-régionale associée à une anesthésie générale de confort.
Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients :
- La chirurgie conventionnelle « à ciel ouvert » (butée de Latarjet) comporte un risque d’infection plus grand mais a comme avantage un risque faible de récidive (environ 3 à 4%).
- La chirurgie arthroscopique (intervention de Bankart) a l’avantage de présenter un risque infectieux pratiquement nul, mais le risque de récidive est plus élevé (entre 8 et 10%) surtout chez les patients hyperlaxes.
Le choix entre ces deux méthodes est dicté par des éléments objectifs : importance des lésions osseuses, type de sport (contact ou non), contexte d’hyperlaxité ligamentaire, âge du patient … Ainsi on réservera l’intervention de type Latarjet aux patients très jeunes, sportifs ou hyperlaxes et l’intervention de Bankart aux patients moins jeunes et ne pratiquant pas de sports de contact.
Quelles sont les suites d’une intervention ?
La durée moyenne d’hospitalisation est de 12 à 24h, la sortie se fait le jour même. Le bras est immobilisé coude au corps pendant 1 mois et la rééducation est débutée dès le cinquième jour post-opératoire. Des soins de pansement sont réalisés trois fois par semaine pendant 15 jours et un traitement antalgique est instauré en post-opératoire. La rééducation dure en moyenne 3 mois.
La reprise de la conduite est possible vers la 6ème semaine post-opératoire et celle des activités sportives sollicitant l’épaule vers le 4ème mois post-opératoire. La reprise de l’activité professionnelle dépend du niveau d’activité physique requis.
Quels sont les résultats ?
Le taux de récidive après intervention de Bankart est de 8 à 10% en moyenne, tandis que celui après butée de Latarjet est plus bas autour de 4%, à condition que l’indication opératoire soit bien posée.
Quels sont les risques ?
Tout acte chirurgical expose à un risque de complication qu’il faut mettre en balance avec le risque d’aggravation naturelle de la maladie et les bénéfices du traitement. Les risques communs à toute chirurgie sont l’infection postopératoire, l’hématome, les troubles de cicatrisation et l’algodystrophie. Cette complication rare donne un membre supérieur gonflé, douloureux avec transpiration pendant plusieurs mois, et peut laisser des séquelles à type de douleurs résiduelles, de raideur des doigts ou du poignet. Les risques spécifiques sont la récidive de l’instabilité, d’une absence de consolidation de la butée osseuse (pseudarthrose), une lésion nerveuse transitoire et la survenue d’une raideur de l’épaule. Au total, il ne faut pas surévaluer les risques, mais simplement prendre conscience qu’une intervention chirurgicale, comporte toujours une petite part d’aléas.
Votre chirurgien est le mieux placé pour répondre aux questions que vous vous poseriez avant ou après votre intervention. N’hésitez pas à lui en parler.