Fistules anales

Le but de cette fiche est vous expliquer brièvement une pathologie et ses principes de prise en charge. Elle ne se substitue pas à la consultation médicale qui seule permet une prise en charge adaptée à votre cas.

Comment diagnostique-t-on les fistules anales ?

Une fistule anale est la communication anormale entre une glande située à l’intérieur de l’anus et la peau ou la paroi du rectum. Le point de départ, appelé orifice interne, est situé à l’intérieur de l’anus dans une petite fossette appelée crypte ou au fond d’une fissure anale, voire plus rarement dans la paroi du rectum. Le trajet fistuleux traverse tout ou partie du sphincter anal pour aboutir à l’orifice externe sur la peau. Les ramifications du trajet contenant du pus sont appelées des diverticules.

Une fistule anale se manifeste par des douleurs, une tuméfaction, une fièvre ou un écoulement de pus.

En phase aigüe, la présence d’un abcès anal est responsable d’une douleur vive, d’un gonflement près de l’anus, d’une fièvre et parfois de difficultés à uriner. L’évacuation de pus spontanée ou après incision soulage la douleur.

En phase chronique, la fistule se manifeste un écoulement spontané, régulier ou intermittent par un ou plusieurs orifices situés près de l’anus ou par des gonflements intermittents douloureux bien souvent soulagés par une évacuation de pus.

Le médecin peut faire le diagnostic à l’interrogatoire puis à l’examen clinique proctologique mais une échographie endo anale  et/ou une imagerie par résonnance magnétique (IRM) peuvent être nécessaires.

Principes du traitement

Les principes de prise en charge reposent sur un repérage de tous les trajets et ramifications de la suppuration, un drainage efficace puis un temps de fermeture du trajet fistuleux. Le traitement obéit en effet à deux objectifs antinomiques : traiter toute la suppuration et minimiser les conséquences sur la continence anale de la traversée du sphincter par le trajet fistuleux. Le traitement est donc guidé par la hauteur du trajet dans l’appareil sphinctérien et par ses éventuelles conséquences sur la continence anale.

Le repérage du trajet et d’éventuelles ramifications ainsi que l’évaluation de l’état du sphincter sont essentiels : ils font appel à l’examen clinique, et si besoin, l’échographie endo anale et/ou l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) et la manométrie anorectale.

L’objectif du traitement est de soulager la douleur en phase aiguë, d’éviter la diffusion de l’infection,  d’empêcher les récidives et de préserver la continence.

  1. Traitement aigu en phase d’abcès

Le traitement en phase aigüe repose

  • Sur l’incision de l’abcès et l’évacuation du pus qui soulage immédiatement le patient. Une consultation aux urgences proctologiques est ainsi souvent nécessaire.
  • Des antalgiques adaptés à l’intensité de la douleur
  1. Traitement chirurgical

Il est indiqué pour empêcher la récidive de la suppuration et surtout son extension et sa pérennisation. Il peut être réalisé en urgence ou semi-urgence, voire différé selon l’importance des douleurs, l’étendue de l’infection et son retentissement.

Un temps de drainage est toujours nécessaire et le traitement est souvent fractionné en plusieurs temps opératoires pour minimiser les conséquences de la chirurgie sur la continence anale. Seule une fistule basse directe peut généralement être traitée en un seul temps opératoire.

En cas de fistule basse directe, le drain mis en place est un élastique qui est serré progressivement en consultation post-opératoire permettant au sphincter de cicatriser petit à petit sur le passage de l’élastique. Dans tous les autres cas, un fil de drainage est mis en place et remplacé par un drain élastique lors d’une intervention ultérieure. Si la fistule s’assèche bien après un ou plusieurs temps de drainage, une autre technique dite d’épargne sphinctérienne peut être proposée.

La stratégie de traitement est donc définie au cas par cas selon la hauteur du trajet fistuleux, les éventuels troubles de la continence pré –existants ou potentiels mais aussi par la qualité de cicatrisation obtenue après le premier temps opératoire. Dans le cas particulier des fistules liées à la maladie de Crohn, la prise en charge chirurgicale est associée au traitement médical de la maladie et certains traitements innovants peuvent être proposés.

Drainage et serrage élastique

    1. Principe

Son principe est de repérer l’orifice interne, le trajet fistuleux et d’éventuelles ramifications. Une ouverture large dans la fesse est réalisée et le trajet fistuleux est disséqué jusqu’au raz du sphincter. La taille de la plaie est guidée par l’étendue de la suppuration. Un drain est placé dans le trajet  fistuleux et dans d’éventuelles ramifications, notamment en cas de passage de l’abcès vers la fesse controlatérale. Le traitement est réalisé au bloc opératoire en ambulatoire, sous rachianesthésie ou anesthésie générale.

    1. Suites opératoires

La cicatrisation est obtenue en 4 à 6 semaines, voire plus en fonction de la taille des plaies.

Des soins quotidiens sont indispensables et conditionnent le résultat de l’intervention. Le but est de guider la cicatrisation sans enfermer au fond de la plaie des logettes de pus. Le drain mis en place lors de l’intervention, permet par capillarité de guider l’évacuation du pus et des sécrétions vers l’extérieur de la plaie. Un bain de siège suivi d’un toucher de plaie en insistant sur toutes les parois et le fond des plaies permettent de nettoyer et accompagner le drainage de la plaie. Notre expérience nous montre que le patient est son meilleur infirmier et une vidéo montre la réalisation des soins post-opératoires qui sont expliqués avant la sortie.

La douleur post-opératoire est variable. A la sortie de l’hospitalisation, une ordonnance d’antalgiques de différents paliers est remise au patient. Ces traitements permettent d’anticiper la douleur ou de la calmer et peuvent être ajustés lors des consultations post-opératoires.

La reprise du transit se fait habituellement en quelques jours. Une constipation passagère est banale, mais il est important de manger des fibres, s’hydrater et suivre la prescription de laxatifs doux remise à la sortie.

Un arrêt de travail ou diminution des activités pendant une quinzaine de jours, voire plus, est souvent nécessaire.

    1. Complications post-opératoires

Certaines complications post-opératoires peuvent survenir:

  • Une infection d’une plaie peut survenir à tout moment. Si une rougeur et un gonflement d’une plaie ou sur la peau à distance, y compris sur l’autre fesse, apparaissent surtout avec de la fièvre il est indispensable de consulter sans délai.
  • Une rétention d’urine peut survenir le jour de l’intervention ou assez précocement en post-opératoire. Elle pourra nécessiter un sondage urinaire et une prise en charge en urologie.
  • Le fécalome est une accumulation de selles dans l’ampoule rectale ; il se manifeste après quelques jours de constipation par une pesanteur anale plus ou moins intense, des difficultés à évacuer les selles et un suintement de selles liquides, et parfois des difficultés à uriner. Il est prévenu par le maintien d’une activité physique, l’alimentation riche en fibres, le traitement laxatifs et l’utilisation de suppositoires voire de lavements. Son évacuation nécessite souvent un à plusieurs lavements doux et l’adaptation du traitement laxatif.
  • Des saignements post opératoires en faible quantité sont habituels car les plaies sont ouvertes. Cependant des saignements abondants concernent un petit nombre de patients (1 %) et peuvent nécessiter une intervention chirurgicale urgente en particulier entre le 8ième et le 15ième jour justifiant de ne pas s’éloigner de l’hôpital dans les 15 jours à 3 semaines qui suivent l’intervention.
  • Des difficultés transitoires pour retenir les gaz et les selles sont banales dans les jours qui suivent l’intervention. Ces difficultés s’améliorent avec le temps et peuvent disparaitre.
    1. Résultats

Le traitement des fistules peut être difficile en cas de fistule complexe ou chez des patients multi-opérés. Les objectifs restent la cicatrisation définitive et le tarissement de la suppuration en limitant les conséquences sur la continence inéluctables si la suppuration enjambe une partie significative de l’appareil sphinctérien ou si celui-ci est fragilisé.

  • Le serrage élastique d’emblée ou après un ou plusieurs temps de drainage reste le traitement de référence des suppurations car il permet une guérison dans environ 95 % des cas, ce que ne peut offrir aucune autre technique.
  • Les troubles définitifs de la continence sont variables et dépendants de la hauteur et de la complexité de la fistule, du nombre d’interventions réalisés, et de la ou des technique(s) opératoire(s) utilisée(s) mais aussi de l’état préalable de la continence et des autres évènements qui ont pu ou pourront la fragiliser comme une déchirure lors d’un accouchement par exemple. Une détérioration modérée de la continence aux gaz est assez fréquente. La déformation cicatricielle liée au traitement de la fistule après un serrage élastique est le plus souvent responsable d’une tâche sur les sous-vêtements sans réelle difficulté pour retenir les selles. Elle s’améliore souvent avec le temps. L’impossibilité de retenir les selles est beaucoup plus rare et la rééducation anale permet souvent d’améliorer le délai de retenue des selles. Très rarement d’autres traitements sont nécessaires en cas de troubles sévères et persistants de la continence.

Traitement par colle biologique

  1. Principe

Son principe est d’obturer le trajet fistuleux par un mélange de protéines d’origine sanguine pour fermer le trajet fistuleux. Ce traitement ne peut être envisagé qu’après un temps de drainage de bonne qualité avec un trajet devenu direct c’est-à-dire sans diverticule et peu suintant. Le traitement est réalisé au bloc opératoire en ambulatoire, ou lors d’une courte hospitalisation au mieux sous rachianesthésie ou anesthésie générale. Il est en effet important de ne pas trop bouger en post-opératoire immédiat pour favoriser la prise de colle dont 80 % a lieu dans les 2 heures qui suivent le geste.

  1. Suites opératoires

Les suites opératoires sont généralement simples et non douloureuses. Aucun soin post-opératoire n’est réalisé en dehors d’une simple toilette. Il est demandé de limiter les efforts pendant un mois pour ne pas favoriser une expulsion du bouchon de colle.

  1. Complications post-opératoires

Les complications de toute chirurgie proctologique (rétention d’urine, fécalome, saignements…) peuvent survenir mais sont plus rares. L’apparition d’un abcès est considérée comme un échec du traitement plutôt qu’une complication et peut vous amener à consulter en urgence.

  1. Résultats

La fermeture du trajet est obtenue dans environ 50 % des cas et une réouverture du trajet est possible plusieurs mois ou années après le traitement. En cas d’échec un nouveau drainage sera proposé. Le principal avantage est de ne pas laisser de cicatrice sur le sphincter anal.

LIFT (ligature inter sphinctérienne du trajet fistuleux)

  1. Principe

Son principe est de fermer le trajet fistuleux en le ligaturant lors de sa traversée du sphincter anal dans l’espace situé entre le sphincter externe et le sphincter interne par un abord chirurgical de cet espace. Ce traitement ne peut être envisagé qu’après un temps de drainage de bonne qualité avec un trajet devenu direct c’est-à-dire sans diverticule et peu suintant. Le traitement est réalisé au bloc opératoire en ambulatoire, sous rachianesthésie ou anesthésie générale.

  1. Suites opératoires

Les suites opératoires sont généralement simples. Des douleurs généralement modérées peuvent survenir dans les premiers jours. Aucun soin post-opératoire n’est réalisé en dehors d’une simple toilette.

  1. Complications post-opératoires

Les complications de toute chirurgie proctologique (rétention d’urine, fécalome, saignements…) peuvent survenir mais sont rares. L’apparition d’un abcès est considérée comme un échec du traitement plutôt qu’une complication et peut vous amener à consulter en urgence.

  1. Résultats

La fermeture du trajet est obtenue dans environ 60 % des cas et une récidive est possible plusieurs mois après le traitement. En cas d’échec un nouveau drainage sera proposé.

Lambeau d’abaissement et léomyoplicature

  1. Principe

Son principe est d’obturer le trajet fistuleux en venant plisser la musculeuse du bas rectum sur l’orifice interne et la recouvrir par un lambeau muqueux. Ce traitement ne peut être envisagé qu’après un ou plusieurs temps de drainage de bonne qualité avec un trajet devenu direct c’est-à-dire sans diverticule et peu suintant. Le traitement est réalisé au bloc opératoire lors d’une courte hospitalisation sous rachianesthésie ou anesthésie générale. La préparation et le régime sans résidus qui encadrent ce geste sont primordiaux (Lien vers le schéma de préparation)

  1. Suites opératoires

Un régime sans résidus est indispensable pendant les 8 jours précédents le geste et les 8 jours suivants le geste afin de limiter les selles et les efforts de poussée qui pourraient abimer le lambeau. La reprise du transit se fait habituellement après plusieurs jours.

Des suintements sont habituels et des toilettes soigneuses au savon doux plusieurs fois par jour sont nécessaires.

Il est demandé de limiter les efforts et de ne pas avoir de rapports sexuels pendant un mois pour ne pas fragiliser le lambeau. La cicatrisation est obtenue en 4 à 5 semaines.

La douleur post-opératoire est variable. Des douleurs parfois intenses les premiers jours peuvent survenir. A la sortie de l’hospitalisation, une ordonnance d’antalgiques de différents paliers est remise au patient. Ces traitements permettent d’anticiper la douleur ou de la calmer et peuvent être ajustés lors des consultations post-opératoires.

Un arrêt de travail ou diminution des activités pendant une dizaine de jours, est souvent nécessaire.

  1. Complications post-opératoires

Certaines complications post-opératoires peuvent survenir:

  • Une rétention d’urine peut survenir le jour de l’intervention ou assez précocement en post-opératoire. Elle pourra nécessiter un sondage urinaire et une prise en charge en urologie.
  • Un bouchon plus qu’un véritable fécalome peut survenir et cède à la reprise de l’alimentation habituelle.
  • Des saignements post opératoires en faible quantité sont possibles et des saignements abondants exceptionnels.
  • Une infection de la plaie peut survenir. Si une rougeur et un gonflement d’une plaie ou sur la peau à distance, y compris sur l’autre fesse, apparaissent surtout avec de la fièvre il est indispensable de consulter sans délai 

L’apparition d’un abcès est considérée comme un échec du traitement plutôt qu’une complication et peut vous amener à consulter en urgence.

  1. Résultats

La fermeture du trajet est obtenue dans environ 75 % des cas. L’arrêt du tabac chez les fumeurs améliore la viabilité du lambeau et les résultats de l’intervention. En cas d’échec une nouvelle tentative de lambeau est possible avec de bons résultats.

Note d'information

Dans un souci permanent d’évaluer et améliorer nos pratiques et nos connaissances, nous pouvons être amenés à étudier de manière rétrospective, à des fins de recherche, les données cliniques et paracliniques figurant dans le dossier médical des patients pris en charge par les praticiens du service de proctologie.