Le journal Le Figaro consacrait, lundi 30 août 2021, son Dossier Santé au sujet mal compris de l'endométriose, dossier écrit par le Pr Marcos Ballester, chef du service de chirurgie gynécologique et mammaire, à découvrir ci-dessous : 

tribune endométriose Figaro M Ballester

Le tabou autour de l’endométriose a été levé depuis une dizaine d’années maintenant : celles qui en souffrent parlent plus facilement de leur vécu face à cette pathologie, qui touche environ 1 femme sur 10 en France (Inserm, 2018) et cause douleurs et infertilité. Mais en parler davantage ne veut pas dire que l’on en parle bien. A l’image du silence qui l’a entourée à travers les décennies, l’endométriose reste une maladie dont les ressorts physiopathologiques sont mal connus et mal compris. Le corps médical oscille entre indécision et fausses certitudes ; certaines femmes, qui cherchent partout informations, avis et conseils, sont perdues. Leur parcours est souvent chaotique, et beaucoup connaissent des errances diagnostiques ou des prises en charge mal coordonnées, sont ballotées entre des traitements médicaux et chirurgicaux souvent en fonction des postures de principe des praticiens qui les suivent.

 

Avantages et inconvénients

Si l’endométriose est une pathologie si complexe à traiter, c’est parce que cette maladie gynécologique inflammatoire chronique, caractérisée par la présence de tissu endométrial en dehors de l’utérus, s’exprime et évolue différemment selon chaque femme. Il s’agit de plus d’une pathologie potentiellement infiltrante : les lésions d’endométriose peuvent coloniser les tissus sains voisins. La maladie concerne donc plusieurs organes, car elle touche la sphère gynécologique mais aussi parfois urologique ou digestive, toutes trois intimement liées. Il n’y a pas deux cas d’endométriose qui se ressemblent.

Le traitement commence souvent par une approche médicale : l’endométriose étant une pathologie hormono-dépendante, la pilule est le traitement de référence en première intention. Mais il peut s’avérer insuffisant, dès le départ ou au bout de plusieurs années, et il est incompatible avec un désir de grossesse.

La chirurgie est donc parfois à envisager. En matière d’endométriose, certains praticiens y ont recours systématiquement, d’autres l’évincent par principe ; en réalité, il ne peut y avoir de certitude ni dans un sens ni dans l’autre. On touche à l’un des points les plus complexes pour un praticien : la chirurgie n’est en soi ni à prôner ni à déconseiller, elle doit s’envisager pour certaines femmes, à certains moment de leur vie, en prenant en compte des critères médicaux objectifs associés aux désirs personnels, sociaux et psychologiques de la patiente elle-même. Le plus souvent, il n’y a pas une seule et unique solution en matière de traitement mais plusieurs, toutes avec des avantages et des inconvénients, et la réflexion avec la patiente doit s’articuler autour de tous ces paramètres. C’est bien cette identification, à chaque fois, du moment précis où la chirurgie peut être une solution répondant au mieux aux besoins de la patiente qui est le point le plus difficile.

La chirurgie de l’endométriose a montré son efficacité sur les douleurs et la qualité de vie. Pour certaines souffrant d’infertilité, elle peut aussi augmenter les chances de grossesse naturelle ou en procréation médicalement assistée. Néanmoins, certaines situations relèvent d’une chirurgie lourde. La prise en charge chirurgicale de l’endométriose suppose un geste très expert, l’un des plus complexes de la chirurgie gynécologique. Il est presque toujours à envisager de façon pluridisciplinaire, car il nécessite des compétences en chirurgies urologique et digestive. La chirurgie de l’endométriose est une approche qui nécessite une vraie expertise mais qui reste intéressante, dont les techniques ont beaucoup évolué ces dernières années, et qui doit garder une place dans notre arsenal thérapeutique.

Notre méconnaissance de l’endométriose en tant que pathologie laisse la place à des « tendances », basées sur des convictions, qui guident encore trop souvent les choix thérapeutiques proposés aux femmes. Après avoir été plébiscitée, la chirurgie est en ce moment mal considérée, parfois injustement rejetée alors que, bien maîtrisée, elle reste une voie d’espoir pour bon nombre de patientes. Notre mission est de trouver les bons outils pour mieux sélectionner les patientes pouvant en bénéficier.

Professeur Marcos Ballester,
Chef de service de chirurgie gynécologique et mammaire du Groupe hospitalier Diaconesses Croix Saint Simon

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