Prolapsus rectal

Cette notice, destinée aux patients, à leur entourage, ne prétend pas être exhaustive : elle a pour objectifs de situer le problème, de fournir les informations essentielles pour comprendre cette pathologie, les examens habituellement pratiqués pour l’explorer, les principaux traitements envisageables, notamment chirurgicaux.
Elle ne peut rendre compte de toutes les situations, parfois complexes, du fait d’opérations antérieures, de lésions multiples associées etc.
Des informations plus personnelles doivent donc vous être fournies par votre (vos) médecin(s)
.

Qu’est qu’un prolapsus rectal ?

Il importe de bien le préciser, car des entités bien différentes, à tous points de vue, peuvent être recouvertes par ce terme un peu vague.

Un prolapsus désigne la « chute » d’un organe, qui, dans le cas du rectum, « tombe » à travers lui- même. En terme savant on dit que le rectum s’invagine dans lui-même.

En fait quand nous parlerons de prolapsus rectal, sans plus de précision, il s’agira de prolapsus extériorisé (appelé aussi improprement prolapsus total du rectum). Comme le montre le schéma (n°2), le rectum s’extériorise à travers l’anus, se déroulant à travers le canal anal. Sa muqueuse se trouve donc exposée à l’extérieur.

Le prolapsus extériorisé est bien différent :

Du prolapsus anal, purement muqueux. Seule la muqueuse anale s’extériorise, comme des paquets hémorroïdaires peuvent le faire (n°3),

Du prolapsus interne du rectum (n°4), dans lequel la paroi rectale amorce une « descente » qui n’atteint pas l’anus. Il s’agit habituellement d’une pathologie différente, et pas du premier stade du prolapsus extériorisé, comme on pouvait le penser.

Nous reviendrons sur ce prolapsus interne et les troubles qu’il peut engendrer.

Quels en sont les signes ?

L’extériorisation du rectum est ressentie, vue par le patient. Elle survient au début exclusivement lors des efforts de poussée de défécation puis, le phénomène se pérennisant, pratiquement en permanence, dès la station debout, la marche... Elle est cause de suintements, pertes glaireuses, de saignements, d’une gêne plus ou moins importante, et surtout d’une incontinence aux gaz et aux selles, d’autant plus marquée que le sphincter anal est forcé, l’extériorisation permanente. Tout cela constitue, évidemment, une véritable infirmité.

Rarement le prolapsus, devenu très long, peut s’étrangler : le boudin extériorisé s’œdématie, devient très large et ne peut se réduire.

L’incontinence anale est-elle due au prolapsus ?

L’extériorisation du prolapsus est responsable d’incontinence, par un effet mécanique facile à comprendre. Et donc, la correction du prolapsus corrige cette incontinence. Mais les choses sont plus complexes : en s’allongeant, en s’extériorisant, le rectum étire ses attaches dans lesquelles cheminent les nerfs responsables des commandes sensitives et musculaires permettant la continence. Cet étirement lèse les nerfs et il en résulte une « neuropathie d’étirement » qui peut avoir –définitivement- altéré la continence. Dans ces cas, la correction du prolapsus ne corrige pas, ou imparfaitement, l’incontinence.

Mais la grande majorité des incontinences anales n’a rien à voir avec un prolapsus du rectum (même interne, « caché »).

Quelles en sont les causes ?

C’est un sujet complexe et encore mal connu.

La cause la plus claire, la plus évidente, est la répétition d’efforts de poussée, chez des patients constipés, passant beaucoup de temps et faisant des efforts de poussée abdominale pour déféquer. Mais cette cause n’est pas toujours retrouvée et d’autres facteurs interviennent :

  • Une faiblesse musculaire périnéale, chez des patients dénutris et âgés, ou dénutris et constipés (comme des jeunes femmes anorexiques),
  • Un allongement des attaches des viscères pelviens dues à des grossesses,
  • Des conditions anatomiques particulières, comme un cul de sac de Douglas (poche péritonéale située entre le rectum en arrière et l’appareil génital en avant), profond, permettant l’engagement d’anses grêles (appelé entérocèle) jusqu'au périnée. Ou encore un rectum trop vertical (alors que l’axe du rectum et du canal anal sont normalement différents)...

La complexité et la multiplicité des causes expliquent que le prolapsus s’observe chez des patients aux profils très différents :

  • femme âgée essentiellement,
  • mais aussi hommes et femmes jeunes, de 20 à 30 ans.

Lésions associées :

La plus fréquente est l’allongement excessif du péritoine, responsable de l’engagement des anses grêles qui « poussent » sur le périnée (entérocèle).

Il peut s’y associer des lésions antérieures comme une cystocèle (bombement de la vessie dans la face antérieure du vagin), une cystoptose, chute du col de la vessie, un prolapsus utérin (voir la fiche intitulée « rectocèle »).

Il faut ici évoquer une pathologie très particulière, le syndrome de l’ulcère solitaire du rectum (SUSR).

Il s’agit d’une entité liée au prolapsus interne du rectum (dont nous avons vu qu’il était différent du prolapsus extériorisé). Certains des prolapsus internes, par la butée du rectum qui vient forcer sur les muscles du périnée, sont à l’origine de l’apparition de lésions de la paroi du rectum (presque toujours la paroi antérieure) qui s’épaissit, se fibrose, mais aussi se fragilise, s’ulcère, peut saigner, suinter (glaires). Ce SUSR peut être responsable de signes cliniques très gênants. Il arrive que le SUSR se voit chez les patients porteurs d’un prolapsus extériorisé.

Quels examens, quelles explorations doit-on pratiquer ?

Aucun examen n’est nécessaire pour faire le diagnostic : il est clinique.

En revanche, il est nécessaire de faire une coloscopie pour s’assurer de l’absence de lésion associée (tumeur du rectum ou du colon) dont les signes peuvent être identiques à ceux du prolapsus.

Habituellement, devant un prolapsus isolé, aucun autre examen n’est nécessaire, surtout si l’on a décidé de réaliser une intervention par voie abdominale. Cependant, si une intervention par voie basse (anale) est envisagée, il est important de réaliser une exploration qui objective le péritoine, les anses grêles, pour s’assurer de l’absence de lésion associée que l’on ne pourrait pas corriger complètement par cette voie.

De même, s’il existe des lésions antérieures, intéressant vessie et utérus, il peut être bon de les préciser. L’examen qui permet cela s’appelle une « colpo-cysto-procto-défécographie ». C’est un examen radiologique au cours duquel on opacifie vessie, vagin, rectum et intestin grêle dont on étudie la position au repos et à l’effort.

De même, devant l’existence d’une incontinence anale, mais surtout d’ailleurs après la correction du prolapsus, une étude des muscles, de leurs pressions (« manométrie ano-rectale ») est nécessaire.

En cas de constipation chronique, il est important, indispensable pour certains, de la préciser par un examen appelé « temps de transit colique ». Il consiste à suivre, par de simples radiographies de l’abdomen, la progression dans l’intestin, sur quelques jours, des marqueurs visibles aux rayons X, absorbés par la bouche. Si une constipation colique est alors avérée, le geste sur le rectum pourra être complété par une colectomie, raccourcissant la partie gauche du colon.

Quel est le traitement ?

Un prolapsus extériorisé doit être opéré (ce n’est pas le cas pour le prolapsus interne, que nous ne développerons pas ici).

De multiples techniques chirurgicales ont été décrites, plus ou moins adaptées, et pour beaucoup abandonnées, et variant selon les pays, les continents (Europe versus Amérique du Nord), les écoles chirurgicales, la maîtrise qu’en avaient les chirurgiens.

Actuellement, et bien que de nombreuses questions soient encore restées sans réponse formelle, deux grandes options chirurgicales sont majoritairement choisies :

  • les fixations du rectum par voie abdominale
  • les résections par voie anale.

Nous présenterons ces deux options, envisageant leurs avantages et inconvénients (leurs résultats) avant d’exposer nos propres choix, nos indications. Les résultats sont jugés sur le taux de récidive de prolapsus et sur la qualité de la fonction : apparition ou non d’une constipation, nombre de selles quotidiennes, disparition de l’incontinence anale.

Fixation par voie abdominale ( rectopexie ) (schéma n°5).

Le concept en est simple : arrimer le rectum, pour éviter qu’il ne s’extériorise, sur un point fixe. La fixation se fait par l’intermédiaire de bandelette(s) de tissu synthétique non résorbable, cousue(s) sur la paroi rectale, jusqu'à l’anus – ou presque. La bandelette est fixée ensuite, en arrière, sur le tissu entourant la colonne vertébrale.

Avantages :

  • respecte la capacité rectale (sans la rétrécir), et reconstitue une anatomie normale,
  • assure les meilleurs résultats, en terme de récidive (moins de 10%), même à long terme.
  • permet de traiter les lésions associées : résection de la poche périnéale excessive (douglassectomie), correction d’un prolapsus génital ou vésical associé, résection d’un colon sigmoïde de longueur excessive.

Inconvénients :

  • nécessitait une ouverture abdominale, ce qui en faisait une intervention assez « lourde », la manipulation de l’intestin grêle étant source de suites opératoires assez longues. Mais la mise au point de cette technique par laparoscopie (=coelioscopie) a gommé cet inconvénient.
  • blessure possible de nerfs commandant chez l’homme l’éjaculation, de l’innervation du rectum lors de la mobilisation du rectum avant sa fixation. Mais la technique laparoscopique a évolué et pratiquement supprimé ce risque.
  • aggravation d’une constipation préalable, en figeant le rectum qui perd sa souplesse, en le coudant à sa partie haute. En fait, là encore, les risques sont contournés par une technique adaptée. Néanmoins il est fréquent que persiste après ces opérations une difficulté d’exonération (d’évacuation) rectale.

Résections par voie anale

Deux techniques dominent : celle de Delorme, qui consiste à n’enlever que la partie muqueuse du rectum (n°6a et b), et celle d’Altmeier (n°7a et b), qui résèque toute l’épaisseur de la paroi rectale jusqu'au sigmoïde, dont l’extrémité sectionnée est recousue sur l’anus.

Avantages :

  • ne nécessite aucune manipulation abdominale (donc permet une anesthésie loco-régionale, péridurale),
  • comporte donc peu de risques de complications (quelques rétrécissements des sutures faites sur l'anus).

Inconvénients :

  • 20 à 30% de récidives à 5 ans,
  • ne permet pas vraiment de corriger les lésions associées (même si des gestes par voie basse sont possibles),
  • supprime le réservoir rectal, le fractionnement des selles en résultant.

Les indications de notre Groupe Hospitalier

Tous les prolapsus extériorisés sont opérés,

La technique de référence est une rectopexie par laparoscopie, disposant une large bandelette sur la face antérieure du rectum, et réséquant le péritoine pelvien. D’éventuels gestes associés sont fonction des lésions dépistées en pré opératoire.

Les résections par voie anale sont mises à profit :

  • chez des patients trop âgés et en trop mauvais état général pour supporter une laparoscopie sous anesthésie générale,
  • chez des patients refusant une anesthésie générale, -En cas de récidive, courte, distale, après rectopexie.

En pratique : La rectopexie laparoscopique nécessite une hospitalisation de 3 à 4 jours ; pas d’autre préparation qu’un lavement pré opératoire. Les examens éventuellement nécessaires sont prescrits en consultation, avant la décision opératoire.

La reprise de l’alimentation est immédiate. Il est indispensable d’éviter une constipation dans les suites (des prescriptions sont faites pour cela). L’incontinence anale peut ne disparaître qu’en plusieurs semaines et justifie parfois une rééducation spécialisée.

Bon à savoir

Fumer augmente le risque de complications chirurgicales de toute chirurgie.
Arrêter de fumer 6-8 semaines avant l'intervention élimine ce risque supplémentaire.
Si vous fumez, parlez-en à votre médecin, votre chirurgien et votre anesthésiste ou appelez la ligne Tabac-Info-Service au 3989 pour vous aider à réduire les risques et mettre toutes les chances de votre côté.