Éventration

Cette notice se veut informative. Elle n'est pas exhaustive, et surtout pas "normative". Votre cas personnel peut être différent des cas habituels auxquels se rapporte ce texte. Des informations plus personnelles vous seront fournies par votre chirurgien et votre anesthésiste.

De quoi s’agit-il ?

Par définition une éventration est l'issue d'une partie du contenu de l'abdomen à travers un orifice non naturel de la paroi abdominale. Les orifices naturels donnent lieu, par définition, à des hernies. Les orifices acquis par où passent les éventrations, sont la conséquence d'une opération chirurgicale pour 95% des cas, d'un traumatisme pour 5%.

Les éventrations postopératoires résultent d'un défaut de cicatrisation des muscles sectionnés, puis recousus en fin d'intervention. Les principales causes de cette cicatrisation imparfaite sont l'infection de la plaie (lorsqu'elle survient, c'est en postopératoire immédiat, dans les l5 premiers jours), et surtout une tension chronique excessive exercée sur les muscles, comme en réalise l'obésité. C'est, désormais, en France, la principale cause des éventrations.

Certaines incisions exposent plus que d'autres au risque d'éventration. Les incitions médianes sont plus «fragiles» que les transversales ou les obliques, Les éventrations y sont fréquentes, affectant 10 à 20% des opérés. La grande majorité se constituent et deviennent apparentes dans l'année qui suit l'opération initiale.

La fréquence de ces éventrations est telle qu'elles constituent un constant sujet de réflexions et de recherches pour les chirurgiens. D'abord pour prévenir leur survenue : prévention de l'infection de la plaie, réparation minutieuse des muscles à l'aide de matériaux plus performants, recherche de types d'incisions à cicatrisation plus «solide», développement de la chirurgie par laparoscopie évitant les grandes incisions classiques en sont les principaux. Mais aussi réflexions et recherches pour trouver des techniques de correction des éventrations les plus durablement efficaces et les mieux tolérées. 

Que se passe-t-il ?

Les muscles s'écartant l'un de l'autre, le péritoine (sorte de membrane qui tapisse tout l'intérieur du ventre) est soufflé progressivement dans la graisse sous cutanée par la pression qu'exercent les organes abdominaux qui s'y engagent : surtout l'intestin grêle et le colon. Le péritoine constitue alors une sorte de sac qui contient de l'intestin en position debout, ou à l'effort, lequel intestin réintègre l'abdomen au repos, en position allongé, le sac s'affaissant alors.

Conséquences : le développement progressif du sac, l'alourdissement de son contenu sont, à la longue habituellement, source d'une gêne qui peut devenir invalidante. Dans certains cas, extrêmes, la peau est tellement distendue qu'elle risque de se rompre. Enfin, et c'est un risque non négligeable, l'éventration peut s'étrangler : le contenu du sac est devenu trop volumineux, s'oedématie, est étranglé dans l'orifice musculaire, ne peut plus réintégrer l'abdomen. Les douleurs sont souvent intenses, une occlusion intestinale s'installe : une intervention en urgence est indispensable.

Quels sont les traitements possibles ?

C'est un problème mécanique, aucun médicament ne saurait être efficace. Les bandages, ceintures, corsets..., ne représentent pas une solution radicale, ne pouvant corriger le défaut de clôture des muscles, mais peuvent être bénéfiques en limitant le volume du sac d'éventration et la gêne qu'il engendre. Certaines localisations se prêtent mieux à cette contention que d'autres (les orifices situés à proximité des côtes, du pubis, sont difficiles à appareiller). Reste donc la chirurgie, seule façon d'obtenir une correction des désordres en supprimant le sac péritonéal et en fermant l'orifice musculaire.

Faut-il opérer toutes les éventrations ? Non, certainement pas. Celles qui sont de petite taille, de volume stable dans le temps, peu ou pas gênantes ne nécessitent qu’une surveillance de loin en loin. En revanche, une intervention est souhaitable lorsqu'elles sont de grande taille, de volume croissant, gênantes et surtout douloureuses, annonçant alors souvent la survenue d'un étranglement.

Le traitement chirurgical

De nombreux procédés techniques ont été imaginés et mis au point pour corriger les éventrations. Schématiquement le choix doit se porter entre des réparations ne faisant appel qu'à la suture des muscles et des techniques utilisant du matériel synthétique en renfort (que l'on appelle de façon impropre mais courante des «plaques»).

Les réparations simples, par fermeture directe de l'orifice musculaire, même en utilisant des procédés plastiques (dédoublement, retournement d'un feuillet musculaire) ont l'inconvénient d'exposer à un risque non négligeable de récidives (de 10 à 80% selon les types d'éventration, leur localisation, la surcharge pondérale ... ). Et cela parce que, généralement, les conditions qui ont présidé à la constitution de l'éventration persistent après la cure.

Ce taux de récidive est à nos yeux inacceptable. Nous avons donc exploré, comme d'autres, les différentes possibilités offertes par les «plaques». Celle que nous avons retenue, et que nous appliquons en routine, dispose entre le péritoine et la face profonde des muscles, une grande (par rapport à l'orifice musculaire à refermer) prothèse de polypropylène, tissage à mailles assez larges, de bonne tenue mais souple.

Sa fonction n'est pas celle d'un «rapiéçage», d'une rustine, mais celle d'une fixation de muscles, les uns par rapport aux autres, dans la position que leur assigne la réparation   fermeture de l'orifice d'éventration. Cette prothèse, par cicatrisation, se solidarise aux muscles. Elle empêchera qu'ils ne s'écartent de nouveau l'un de l'autre, répartissant la tension non plus sur la seule suture de l'orifice d'éventration, mais sur toute l'étendue des muscles sur laquelle elle est disposée. Cela rend compte de la nécessité de déployer une grande prothèse, bien au-delà de l'orifice d'éventration.

Il s'agit donc d'une opération conséquente, nécessitant de vastes décollements, des dissections étendues, durant 1 à 3 heures selon les cas. La présence de matériel synthétique dans l'organisme soulève quelques interrogations. Le matériau -lui-même a une grande inertie biologique (c'est-à-dire qu'il n'y a pas de réaction entre le matériau et l'organisme), et si son tissage actuel est assez récent, il est utilisé, sans effet secondaire nocif connu depuis une quarantaine d'années.

En revanche, les conséquences d'une infection sont plus graves lorsque le matériel synthétique se trouve dans le site infecté. Le risque de survenue de l'infection elle-même n'est pas supérieur, mais une fois l'infection déclarée, installée, elle ne guérira, bien souvent, qu'après le retrait complet de la prothèse. C'est dire que nous mettons tout en oeuvre pour réduire quasiment à néant ce risque infectieux. Il se situe dans notre expérience entre 0,5 et 1%.

Dans certains cas la prothèse peut être positionnée par un abord cœlioscopique. Il faut alors disposer une plaque dans la cavité péritonéale, au contact donc de l'intestin. Nous employons alors  des prothèses spécifiques dites « composites » ou « bifaces » doublées d’un matériau souple et lisse, sans risque au contact de l'intestin. L’abord en cœlioscopie est réservé aux éventrations de taille modérée ou petite. Elle impose d’introduire dans l’abdomen une caméra et de libérer toutes les adhérences liées aux interventions précédentes. Lorsque ces adhérences sont trop importantes, la technique coelioscopique n’est pas possible. De même, le risque spécifique d’un traitement par abord coelioscopique est la réalisation d’une plaie de l’intestin (0,2 à 2% des séries). Cette plaie, qui peut passer inaperçue lors de l’intervention, est potentiellement grave car elle expose à un risque de péritonite. En revanche, l’avantage essentiel de la cœlioscopie est de limiter considérablement le risque d’infection de la prothèse.

En pratique

En cas de surcharge pondérale, un amaigrissement est toujours souhaitable. Des conseils vous seront donnés, le cas échéant, pour préparer votre peau pendant 7 jours avant l'intervention en badigeonnant un antiseptique après la toilette.

Vous entrerez la veille au soir ou le matin de l'opération à l'hôpital.

Une préparation cutanée (rasage, badigeonnage) sera réalisée. Signalez vos allergies cutanées (surtout à l'iode) si vous en connaissez.

Des antibiotiques seront administrés pendant et après l'intervention.

Les pertes sanguines sont habituellement faibles et aucune transfusion n'est nécessaire.

En fin d'intervention sont placés, dans les décollements, entre prothèse  et muscles, et sous la peau, des drains aspiratifs (dit «de Redon») que l'on retirera entre le 2éme et le 5ème jour postopératoire.

Bon à savoir

Fumer augmente le risque de complications chirurgicales de toute chirurgie.
Arrêter de fumer 6-8 semaines avant l'intervention élimine ce risque supplémentaire.
Si vous fumez, parlez-en à votre médecin, votre chirurgien et votre anesthésiste ou appelez la ligne Tabac-Info-Service au 3989 pour vous aider à réduire les risques et mettre toutes les chances de votre côté.