Reflux gastro-œsophagien

Cette note est destinée à vous expliquer, dans leurs grandes lignes, ce que sont le reflux gastro- œsophagien (RGO) une hernie hiatale (HH), leurs causes et conséquences, leurs divers traitements, et les complications possibles de ces traitements. C’est un sujet complexe dont la connaissance a  évolué ces dernières années. C’est dire que cette note ne peut être exhaustive.

Pour expliquer simplement elle prend parfois le risque d’être simpliste. Mais elle n’a pour ambition que de situer le problème et de vous servir de base de réflexion. Elle ne remplace pas le dialogue que vous aurez avec votre médecin, seul moyen d’information plus précis, plus personnalisé.

Qu'est-ce que le reflux gastro-oesophagien (RGO) ?

A l’état physiologique, « normal », le contenu de l’estomac, sécrétions gastriques et aliments, ne «remonte» pas de l’estomac vers l’œsophage...Le bol alimentaire progresse dans l’œsophage grâce aux contractions du puissant muscle œsophagien, pénètre dans l’estomac et ne peut refluer dans l’œsophage. En réalité, il arrive, même à l’état normal, que le contenu gastrique reflue mais en de brefs épisodes, rares, et l’œsophage chasse rapidement ce reflux dans l’estomac.

Le sens unique, de l’œsophage vers l’estomac, l’absence de reflux, s’explique par la présence d’un sphincter dit « sphincter inférieur de l’œsophage » (SIO). Il n’a pas d’existence anatomique, c’est-à-dire qu’il ne peut être individualisé, à l’œil ou au microscope, mais c’est une zone située juste avant l’estomac dans laquelle règne une pression supérieure à celle du reste de l’œsophage et à celle de l’estomac. L’onde de contraction œsophagienne qui pousse le bol alimentaire abaisse cette pression, ouvrant le sphincter. La contraction passée le SIO retrouve son tonus élevé. Les mécanismes responsables de ce SIO, de son bon fonctionnement,  ne sont pas totalement éclaircis. Néanmoins, il ne fait pas de doute que l’un des facteurs essentiels est la présence d’un segment suffisamment long d’œsophage dans l’abdomen. L’angle aigu que la partie haute de l’estomac avec cet œsophage abdominal est, lui aussi, important.

Cage thoracique et cavité abdominale sont séparées par un muscle, le diaphragme. Un orifice est ménagé dans ce muscle, orifice bordé par des épaississements, musculaires appelés piliers du diaphragme, pour laisser passage à l'aorte et à l'œsophage : c'est le hiatus œsophagien du diaphragme.

Les conditions du RGO

La disparition d’un segment abdominal d’œsophage, son ascension dans le thorax, est la cause la plus fréquente d’effondrement de la pression du SIO et donc de survenue d’un RGO. La présence d’une hernie hiatale (HH), ascension d’une partie de l’estomac dans le thorax, à travers l’orifice hiatal du diaphragme, est la matérialisation la plus facile à mettre en évidence de la disparition de l’œsophage abdominal. En son absence, une béance cardiale (ouverture permanente de la jonction entre œsophage et estomac) traduit souvent une malposition cardio-tubérositaire, c’est-à-dire un mauvais positionnement de la jonction entre œsophage et estomac. En fait ces choses sont plus complexes qu’il n’y peut paraître : bon nombre de hernies hiatales, mêmes franches et volumineuses, ne sont pas cause de RGO notable ; et, à l’inverse, de simples malpositions, sans HH, peuvent être associées à (ou cause de ..) un RGO majeur.
Le cas particulier des volumineuses HH, habituellement non responsables de RGO, est évoqué plus loin.

Les causes de ces anomalies anatomiques sont parfois évidentes : congénitales, comme chez l’enfant, elles résultent d’une maturation incomplète de la région, ailleurs liées à une surcharge pondérale importante, augmentant la pression abdominale de façon chronique, favorisant ainsi RGO et HH (ou encore hyperpression abdominale de la grossesse). Souvent, il n’est pas identifié de causes particulières.

 Les conséquences du RGO

L’estomac sécrète de l’acide chlorhydrique. Bien entendu, sa muqueuse est protégée contre l’agression de cet acide très corrosif. Ce n’est pas le cas de la muqueuse œsophagienne, irritée et même brûlée à son contact. Du reste, l’œsophage supporte mal toute agression chimique, et les liquides alcalins (l’inverse de l’acide) l’attaquent tout autant que les acides (il en est ainsi de la bile, alcaline). L’atteinte de la muqueuse œsophagienne, appelée œsophagite peptique, est plus ou moins étendue en hauteur et en profondeur : elle est classée en trois stades, de la simple rougeur au véritable ulcère creusant. Cette brûlure réitérée, fréquente, peut si elle est intense, retentir sur le muscle œsophagien, sous-jacent à la muqueuse, et même sur les tissus voisins. On observe ainsi des rétrécissements de l’œsophage (sténoses), plus ou moins cicatriciels, et même des raccourcissements de l’œsophage, « ratatiné », fixé par une importante réaction inflammatoire aux structures voisines (œsophage raccourci = brachyœsophage). Il s’agit là, évidemment, de stades avancés et compliqués de la maladie. Il arrive également que le « décapage » répété de la muqueuse, conduisant à une repousse accélérée, soit suivi d’une régénération muqueuse anormale dite muqueuse de Barrett, ou encore endobrachyœsophage (EBO). Cet EBO a une fâcheuse tendance à dégénérer en cancer : environ 10% des cas après plusieurs années d’évolution.

Les signes du RGO

Dans la très grande majorité des cas de RGO, les signes sont limités à une gêne assez supportable : brûlures épigastriques (au creux de l’estomac), sensation de remontée acide derrière le sternum (pyrosis), voire quelques régurgitations de liquide ou d’aliments dans la bouche. Tous ces signes sont habituellement aggravés par des repas copieux, la flexion du tronc, la position allongée...

Parfois, c’est une complication de l’œsophagite : hémorragie due à des ulcérations muqueuses, gêne au passage des aliments (dysphagie) à cause d’un rétrécissement. Assez fréquemment, ce sont des signes respiratoires (infections, accès de toux, surtout nocturnes) par reflux de liquide gastrique dans les bronches ou bien encore ORL : angines, pharyngites, laryngites...

Il faut souligner qu’il n’y a pas de corrélation directe et systématique entre l’importance du reflux, son retentissement sur la muqueuse œsophagienne et les troubles ressentis par le patient : certains sujets sont très gênés alors que leur muqueuse a un aspect endoscopique normal, tandis que d’autres se présentent avec un rétrécissement serré sans avoir jamais vraiment souffert.

Comment explorer le RGO, comment en faire le diagnostic ?

Les signes décrits par le patient sont souvent très parlants et permettent  un diagnostic  d’interrogatoire.  Mais une fibroscopie œsogastrique est néanmoins indispensable. Elle authentifie le reflux lorsqu’elle découvre les lésions muqueuses, permet de les classer, de savoir d’emblée si l’on a affaire à une forme sévère ou bénigne.

Si la fibroscopie est normale, pour étayer le diagnostic (notamment si les signes d’appel sont ORL ou respiratoires), on peut avoir recours à une pH-métrie. Cet examen consiste à mesurer le pH (degré d’acidité) de l’œsophage  sur une période déterminée  (3 heures ou 24 heures). Pour cela, une sonde est descendue dans l’œsophage (geste indolore) et laissée en place, reliée à un appareil enregistreur. On peut ainsi déterminer le nombre, la fréquence et l’intensité des reflux, l’ensemble étant synthétisé en un score (score de Kaye). Enfin, il est parfois utile, et même indispensable dans certains cas, de mesurer l’activité motrice de l’œsophage : c’est une manométrie, et cela s’enregistre également avec une sonde munie de capteurs. C’est également un examen indolore.

Les traitements du RGO

Les mesures dites « hygiéno-diététiques » ne doivent jamais être négligées : maigrir en cas de surcharge pondérale, éviter les repas copieux, ne pas s’allonger après un repas, réduire la consommation d’aliments qui retardent l’évacuation gastrique (graisses, alcool), peuvent suffire à la disparition des signes des formes peu sévères.

Les médicaments sont utilisés dès que ces mesures s’avèrent insuffisantes. Ils se répartissent en trois groupes : les pansements, les prokinétiques, les anti-sécrétoires.

Les pansements tapissent la muqueuse œsophagienne, la protégeant de l’agression acide. Les prokinétiques améliorent la chasse par l’œsophage de son contenu, notamment reflué. Les anti-sécrétoires sont les médicaments les plus efficaces, les plus utilisés. Il en existe deux sortes, les anti H2 (Azantac, Raniplex) et les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP, plus puissants, bloquant à peu près complètement la sécrétion acide de l’estomac (Mopral, Inexium, Inipomp, Zoltum...).

Ces trois différentes classes de médicaments peuvent être prises isolément ou, plus souvent, associées. L’efficacité de ces traitements est telle que, chez la majorité des patients, la quasi totalisé des signes de RGO disparaît comme par magie. Mais, chez certains, l’effet semble s’épuiser au fil des ans, les symptômes réapparaissant ou s’aggravant malgré le traitement. Chez d'autres, c'est la nécessité d'un traitement continu à doses élevées, parfois sa mauvaise tolérance qui conduit à rechercher une autre solution. Enfin, parfois, l'existence de complications, la persistance d'ulcération malgré le traitement, un rétrécissement, un EBO, imposent un traitement plus radical et définitif.

Les interventions chirurgicales

De nombreuses techniques ont été inventées. En pratique, depuis une dizaine d'années, un large accord s'est fait autour des techniques de fundoplicature.

Elles ont été, avec leurs multiples variantes de détails, largement testées, éprouvées et finalement reconnues comme étant les plus fiables, sûres, efficaces.

Les fundoplicatures.

Elles consistent, après avoir disséqué l'œsophage, pour lui faire réintégrer l'abdomen, à réaliser une sorte de manchon d'estomac autour de l'œsophage, espèce de valve. La partie haute de l'estomac est attirée en arrière de l'œsophage et vient l'envelopper. Partielle, cette fundoplicature porte le nom de Toupet, Totale, circulaire, celui de Nissen. D'autres gestes sont plus ou moins associés : rétrécissement de l'orifice hiatal, fixation des valves au diaphragme.

Dans notre Institution, c’est la technique de fundoplicature partielle qui est plus souvent pratiquée.

C'est le procédé qui nous semble, comme à d'autres, assurer un fort taux de succès durable. C'est à dire, une absence de récidive du RGO, jugée à 5 ans, de l'ordre de 90%. Et cela avec un faible pourcentage d'effets secondaires indésirables.

Quels sont les effets secondaires ?

Rapidement, en quelques semaines, s'estompe la sensation d'avoir un petit estomac, vite rempli par quelques bouchées. En revanche, une dysphagie, sensation de blocage plus ou moins nette, des aliments lors de leur passage dans l'œsophage, peut persister quelques mois. Elle est plus fréquente lorsque la fundoplicature a été réalisée par laparoscopie que par laparotomie (ouverture classique), atteignant 30% des opérés jusqu'au 3e mois post opératoire dans certaines séries chirurgicales. Dans plusieurs séries chirurgicales publiées, une dysphagie persistante a nécessité une ré intervention. Dans notre expérience, la dysphagie est peu fréquente, modérée et disparaît en 2 à 4 semaines. Plus banales sont la sensation "d'aérophagie", la difficulté à éructer. L'efficacité de l'opération sur les symptômes est habituellement spectaculaire : les douleurs, brûlures, régurgitations ont disparu au réveil. Il faut cependant savoir que les sensations ORL, laryngite, pharyngite, sont souvent plus lentes à disparaître.

Laparotomie ou laparoscopie ?

Une notice spécifique à la laparoscopie est disponible pour vous en exposer les principes, avantages et inconvénients. Schématiquement, on peut dire que tous les RGO et HH de première intention (c'est-à-dire jamais opérés auparavant) relèvent de la laparoscopie.. Toutefois, les très volumineuses HH, certaines formes, rares, de HH (hernies par roulement), les patients déjà opérés de cette région, peuvent être des indications préférentielles à une cure par laparotomie.

L’opération comporte-t-elle des risques ?

Oui, bien sûr, mais ils sont faibles, les complications sérieuses étant rares, de l’ordre de 1%. Une hémorragie peut survenir, notamment à partir de la rate, pouvant nécessiter son ablation (splénectomie).  Des plaies de l'œsophage ou de l'estomac ont été décrites, parfois avec des conséquences graves (péritonite...). Moins grave, mais pouvant nécessiter une autre opération, un traumatisme des nerfs de l'estomac (les pneumogastriques)  peut être la cause d'une paralysie gastrique relative traduite par une digestion difficile. Surtout, des complications "générales" sont possibles, quoiqu’exceptionnelles : phlébite, embolie pulmonaires, accident d'anesthésie...

Et si survient une récidive de RGO?

Dans 20 à 30% des cas, elle est asymptomatique, ne donnant aucune douleur, aucun trouble et n'est découverte que par une fibroscopie de surveillance (nécessaire de façon indéfinie lorsqu’existe un EBO). Dans ces cas, un simple traitement médicamenteux suffit. De même dans plus de la moitié des récidives symptomatiques,  c'est-à-dire parlantes : le reflux est; en fait, modéré et bien maîtrisé par les médicaments. Reste donc un faible pourcentage de cas, symptomatiques  et mal contenus par les médicaments : une nouvelle opération est nécessaire. La diversion duodénale totale (DDT) est une opération radicalement différente, qui n'est indiquée qu’exceptionnellement,  lorsqu'une fundoplicature s'avère impossible ou inefficace. C'est notamment le cas des œsophages rétractés, "rétrécis", des œsophages multi opérés.

En pratique

L'entrée à l'hôpital se fait la veille, ou le matin de l'opération. Elle se déroule sous anesthésie générale.

Les suites sont peu douloureuses ; la première nuit, la plus pénible, des calmants vous sont administrés, souvent de la morphine. Il n'y a pas de sonde gastrique et vous reprendrez l'alimentation, boisson et semi- liquide dès le lendemain. Des conseils diététiques vous seront prodigués. Des anticoagulants sont administrés en fonction des risques de chacun pour éviter la survenue d'une phlébite. Vous quitterez l'hôpital entre le 2ème et le 4ème jour.

Pendant un mois, vous devrez observer un régime : éviter les fibres végétales crues dont la digestion nécessite une bonne activité gastrique, fractionner l'alimentation (faire des petits repas, fréquents), manger lentement en mâchant bien. Vous pouvez reprendre une activité professionnelle entre le 10e et le 25e jour post opératoire mais il faut attendre 6 à 8 semaines pour faire des efforts physiques violents (à cause des sutures du diaphragme).

CAS PARTICULIER DES VOLUMINEUSES H H PAR ROULEMENT.

Certaines hernies hiatales acquièrent avec les années des tailles considérables, affectant généralement, mais pas exclusivement des sujets âgés de plus de 70 ans.

La moitié, les 2/3 voire la totalité de l’estomac est alors ascensionné dans le thorax, où il se trouve fixé par des adhérences aux structures voisines empêchant son retour dans l’abdomen. Ces HH se constituent par un mécanisme différent de celui qui préside à la survenue des “petites” HH responsables de RGO. C’est un roulement, un déroulement de l’estomac dans le thorax, la jonction, entre œsophage et estomac conservant sa position dans l’abdomen. En fait, les 2 mécanismes, glissement du cardia et roulement, s’associent souvent.

Ces hernies ne provoquent habituellement pas de RGO, mais se traduisent par des signes thoraciques : gêne respiratoire, aggravation d’une pathologie respiratoire comme un asthme, douleurs après les repas simulant parfois une douleur cardiaque. Enfin, elles peuvent se compliquer d’une torsion de l’estomac sur lui-même, complication grave et bruyante, mais plus fréquemment d’ulcères responsables d’hémorragies ou d’anémies constituées à bas bruit.

Elles justifient le plus souvent une correction chirurgicale, l’indication étant posée par concertation entre les différents spécialistes, cardiologue, pneumologue, chirurgien…

L’intervention, souvent complexe, comporte un premier temps de libération de l’estomac pour le réintégrer dans l’abdomen, un deuxième temps de reconstitution d’un orifice hiatal étroit en ayant souvent recours à une prothèse synthétique, enfin une fixation de l’estomac, schématiquement comme lors d’une cure de RGO.

Bon à savoir

 Fumer augmente le risque de complications chirurgicales de toute chirurgie.
Arrêter de fumer 6-8 semaines avant l'intervention élimine ce risque supplémentaire.
Si vous fumez, parlez-en à votre médecin, votre chirurgien et votre anesthésiste ou appelez la ligne Tabac-Info-Service au 3989 pour vous aider à réduire les risques et mettre toutes les chances de votre côté.